Dans ses créations orchestrales (plus d'une vingtaine de partitions), le compositeur français avait déjŕ exploré de nombreuses possibilités expressives avant d'aborder le genre de la symphonie. Avec sa Symphonie n°1, l'idée fixe (2015) - une référence ŕ "l'idée fixe" de la Symphonie fantastique de Berlioz - il questionne un procédé d'écriture ancestral (celui du retour d'une mélodie) pour en révéler toute sa modernité. Dans Abstract (2017), il renoue avec l'écriture soliste qui lui est chčre, en confrontant le violoncelle (Marc Coppey) ŕ l'ensemble de l'orchestre. Cette partition conçue pour le ballet chorégraphié par Jean-Christophe Maillot en avril 2018, pose avec élégance la possibilité d'une rencontre tangible entre la danse, les solistes instrumentistes et l'orchestre.
En 2005, avec la création des 5 Poèmes de János Pilinszky, nous avons rencontré pour la première fois Bruno Mantovani. A la suite à cette première commande, trois autres pièces sont nées de notre collaboration : autant d'œuvres marquant chacune de manière singulière notre relation créateur/interprète. Dix années se sont ainsi écoulées, et c'est pour célébrer cette belle collaboration artistique que nous avons voulu graver les quatre pièces réunies sur cet album. Elles représentent à nos yeux l'essentiel des œuvres pour chœur de ce grand compositeur d'aujourd'hui.
Laurence Equilbey
Compositeur français internationalement reconnu, Bruno Mantovani s'inspire régulièrement d'oeuvres musicales du passé pour créer des objets éminemment actuels. Ce disque présente cinq pièces pour cordes et piano faisant référence, pour certaines, à Franz Schubert, à Béla Bartók, à Maurice Ravel, ou au plus musicien de tous les peintres : Paul Klee. Ces pages foisonnantes ne sont aucunement des pastiches, des variations, mais bien des interprétations contemporaines de chefs-d'oeuvre de l'histoire de la musique.
Il existe une cohérence musicale très évidente entre les trois pièces réunies dans ce disque, l'aspect le plus notable étant sans doute l'évolution de mon écriture concertante, et celle du rapport au soliste au sein de l'orchestre, même dans les œuvres a priori non concertantes : Finale met ainsi en avant la flûte soliste, et Time Stretch la clarinette.
Trois compositeurs, trois œuvres maîtresses de notre temps interprétés par trois orchestres... et un élément central, âme de ce beau projet consacré au violoncelle concertant : Jean-Guihen Queyras, "Artiste de l'année 2008" (Diapason). Trois façons à la fois très différentes et en même temps très complémentaires de concevoir le concerto au XXIe siècle...
Ouvrons grand les portes de la serre et que le vent, la pluie et neige s'y engouffrent. L'image est de Maurice Maeterlinck, et elle va pour le mieux à Bruno Mantovani. De lui c'est sans aucun doute la première impression que l'on reçoive : la jeunesse la fraicheur, une simplicité inespérée et une réconfortante santé dans un univers où ces mots sont si inhabituels, et même suspects...
Les évocations du chant grégorien ou d´une marche participent à cette atmosphère fantomatique et raréfiée, recréée avec précision par Susanna Mälkki et l'Ensemble intercontemporain.
Un homme passe rue de Lille à Paris, aperçoit dans une vitrine la gravure de ses rêves, L'enterrement de Mozart : après être entré dans la boutique, il est contraint d'entendre divaguer le vieillard qui exhibe l'image pour attirer dans son antre des inconnus auxquels il raconte la disparition d'Aristide, un chien philosophe qui lui tint longtemps compagnie. Mozart n'eut pas d'enterrement, il fut jeté à la fosse commune, la gravure est connue sous le titre Le convoi du pauvre, et c'est Beethoven qui l'aurait baptisée L'enterrement de Mozart. J'ai vu là une métaphore de notre époque où, par images et clameurs, de multiples impostures et injonctions envahissent notre imaginaire. Quand Bruno Mantovani et Roland Hayrabedian, pour Musicatreize, me demandèrent si j'avais un sujet à leur proposer, j'ai longuement écouté la musique de Bruno où la voix humaine se mêle malicieusement à celles des instruments. J'ai donc récrit le conte baroque en le métamorphosant par un dialogue multiple, syncopé, parfois même bouffon.
D'insolites percussions, des vibrations poétiques, des glissandi oniriques de clarinette, préludent avant que ne s'entonne en répons un logique Requiem à cinq voix. L'effectif instrumental, clarinette, violon, alto, violoncelle, contrebasse, piano et percussions, est léger mais dense par le traitement microtonal souvent de Mantovani, des entrelacs, des pincement vibrés de guitare, des trémolos de cordes, des trilles, des effets sombres de basse et des éclats dans un soyeux tapis de cordes au continuum très séduisant.
Bruno Mantovani est certainement un des compositeurs les plus doués de sa génération en France. Son écriture est très affirmée et il sait avec certitude ce qu'il attend de l'instrumentiste. Il est très vif, rapide et précis, ce qui lui vient de sa formation de percussionniste. Sa musique est très difficile à interpréter et oblige l'instrumentiste à une très bonne préparation. Mais le plus beau dans son oeuvre c'est la tension poétique qu'elle dégage et sa profondeur émotionnelle. J'ajouterai que l'association d'un instrument à vent avec le piano est une des plus difficiles dans la musique de chambre et Bruno Mantovani a réussi une très grande pièce pour basson et piano. Celle-ci est déjà une des plus belles pièces de notre répertoire
Le plus admirable, avec Pascal Gallois, le (bon) génie du basson, ce n'est pas tant qu'il ait su faire de son instrument l'égal des autres, qu'il l'ait fait s'épanouir comme un bonsaï enfin libre de pousser; surtout, les compositeurs l'ont suivi, et avec quelle intuition, quelle générosité d'invention ! Que Neuwirth et Fujikura le fassent dialoguer avec le violoncelle, passe ; mais que Mantovani parvienne à le fondre avec un piano, voilà qui passait l'entendement. Tous ont fait le baudelairien voyage "au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau".
Pendant la composition de l'œuvre, j'ai eu constamment à l'esprit que ce duo serait créé au milieu d'un programme faisant la part belle aux œuvres de Giacinto Scelsi. La référence à la musique indienne, les séquences éthérées, ainsi que la microtonalité sont autant d'hommages rendus à ce compositeur marquant par son indépendance et sa radicalité.
Pour un compositeur, depuis toujours, le séjour à l'Académie de France à Rome reste un point de passage prestigieux. Je m'efforce de donner une vaste place à la musique contemporaine tout particulièrement à la musique des artistes-compositeurs en résidence à la Villa Médicis.
Dans cette optique, j'ai souhaité renouer une collaboration ébauchée il y a plusieurs années avec Radio France afin de donner vie à une nouvelle collection qui permettra de présenter chaque année une sélection de pièces d'un compositeur à la suite de son séjour à la Villa Médicis. Les œuvres sont interprétées par les musiciens de l'Ensemble l'Itinéraire et enregistrées dans les conditions idéales des locaux de Radio France.
Je suis particulièrement heureux d'initier ce projet avec une sélection inédite de pièces de Bruno Mantovani, dont le talent inventif et prodigue laisse en tous ceux qui ont été ses amis à la Villa Médicis un merveilleux souvenir. (...)
Le nom de Bruno Mantovani n'aura pu échapper à aucun mélomane un tant soit peu observateur de la musique d'aujourd'hui. Il est vrai que peu de ses collègues peuvent se vanter d'aligner à moins de trente ans un catalogue défendu à la fois par de grands solistes et par ce que la musique contemporaine compte de mieux comme ensembles constitués: voilà qui ne peut être le fruit du seul hasard.
A 27 ans, Bruno Mantovani est tout sauf un jeune compositeur. Sa capacité à saisir tout ce qui fait son temps est surprenante. Le jazz, en premier lieu, lui-même étant amateur et musicien de jazz, duquel il tire la notion d'improvisation, primordiale dans son oeuvre. Il se nourrit aussi des musiques actuelles, des techniques électroacoustiques bien sûr, mais aussi des musiques populaires fort diverses comme la techno, ou le flamenco.